1. Le  Divertissement et l’illusion du bonheur

pascal

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Se divertir c’est aujourd’hui s’amuser, se distraire et on est spontanément persuadé que c’est dans nos divertissements, dans nos loisirs, dans « le have fun » qu’on s’épanouit pleinement, qu’on est heureux. Le monde est en crise, les valeurs semblent perdues mais que m’importe pourvu que je m’éclate.

Or, à travers cette réflexion, la part d’ombre du divertissement apparaît : après des nuits à s’éclater, on a du mal à cacher ses cernes et on aura beau s’amuser autant qu’on eut un jour ou l’autre la fatigue et la lassitude s’abattront sur nous. Pour le dire de manière encore plus expressive, après l’ivresse, le mal de crâne suit de façon inéluctable et plus que de mal de crâne ici, ce qui se fait jour c’est la tristesse du dégrisement. On a toujours le vin triste et on boit toujours plus pour essayer d’oublier cette tristesse. Comment, en effet, ne pas chercher à toujours boire plus, à toujours être plus ivre, quand on réalise ce qu’est le monde et surtout quand on réalise notre condition mortelle si fragile. Car, quand on y pense bien, non seulement on n’est rien mais, à supposer même qu’on puisse avoir l’illusion de pouvoir devenir quelqu’un, on est à coup sûr voué à mourir, c’est-à-dire voué au néant.

 

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Or, c’est précisément ce néant, que l’on va chercher à fuir dans le divertissement : Il s’agit de ne plus penser à ce qui nous angoisse, il s’agit de ne plus penser,  de nous détourner d’une réalité et d’une condition déplaisante pour chercher à être heureux malgré tout.

Par là même, le malheur dont nous parle Pascal n’est pas contingent ni temporaire, il n’est pas lié au hasard de la vie et n’a rien d’accidentel mais bien au contraire c’est un malheur constitutif de notre existence. Notre condition est celle d’un être faible, mortel, exposé à la maladie, aux soucis et plus encore à la solitude. C’est tout cela que Pascal appelle la finitude. L’homme est donc  un être si « misérable » qu’il ne peut même pas penser à sa condition et qu’il est condamné  pour supporter cette misère à tout faire pour l’oublier.

Par conséquent, on voudrait absolument être heureux, on ne vit que pour être heureux et tout le paradoxe c’est qu’on ne peut pas jamais être heureux car on ne peut jamais échapper à l’ennui, c’est-à-dire à la prise de conscience du néant de notre existence.

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Pourtant, à travers le divertissement, on va tout faire pour essayer d’y échapper. Il faut insister ici sur le fait que le divertissement ne désigne pas seulement des activités frivoles mais que cela concerne aussi  des activités sérieuses ; plus largement le divertissement désigne toutes les actions, à travers lesquelles on s’efforce d’oublier notre condition, de ne pas penser à ce qui nous rendrait malheureux si nous le regardions en face. Chacun s’efforce donc comme il peut de se masquer son néant, de cacher ses malheurs, Voilà pourquoi il devient aussi important de sauver les apparences, de paraître quelqu’un, de sembler heureux. Ainsi, paradoxalement, alors qu’on n’est rien, c’est dans le regard des autres qu’on va paraître important, c’est dans le regard des autres qu’on va se sentir estimer, qu’on va se sentir aimer, qu’on va se sentir exister.  Et ce sentiment va justement faire qu’on va se sentir bien. Voilà pourquoi on est si préoccupé par le fait de plaire aux autres et d’être aimé car c’est dans ce sentiment qu’on pense trouver le bonheur, qu’on pense donner un sens à ce qu’on est et à son existence. Mais ce bonheur est purement illusoire :

L’homme du divertissement ne vit pas en lui et pour lui-même mais il existe hors de lui, par rapport aux autres et ce qui l’intéresse c’est d’avoir le plus grand pouvoir possible, le plus d’argent possible, le plus de biens possibles,  non pas parce que le pouvoir, l’argent et les biens vont le rendre heureux, mais parce qu’avec ce pouvoir et cet argent il va en imposer aux autres, il va s’imposer aux autres. En bref, le pouvoir et l’argent nous mettent à l’abri de ce que nous craignons le plus, le plus profond de nos malheurs : la solitude.

Mais, pourquoi avons-nous si peur d’être malheureux ? Pourquoi avons-nous si peur de finir seul ? parce que dans la solitude il n’y a pas d’échappatoire possible, on est obligé de sortir de l’illusion qu’on se forge, qui nous aveugle et qui nous fait croire qu’on est heureux. Une fois qu’on est sorti du lycée, qu’on a fini de jouer avec ses potes, de chatter  avec ses pseudos amis, quand on se retrouve seul à seul avec soi-même. Alors les sourires s’effacent, les masques tombent et là à ce moment on peut penser à soi, à sa condition et malgré soi on prend conscience du néant, du vide existentiel  qui nous habite. 

spleen baudelaire