- Désir et besoin :

Le besoin renvoie à un manque vital, biologique et donc naturel alors que le désir va apparaître artificiel,  secondaire voire superficiel. Donc logiquement les besoins parce qu'ils sont primaires doivent toujours primer sur les désirs qui, quant à eux, sont secondaires. Or, tout le paradoxe c'est que l'homme, à la différence des animaux, est un être de désir, qu'il fait donc souvent passer la satisfaction de ses désirs avant celle de ses besoins. Dès lors, la question qui se pose c'est : QU'est-ce qui fait qu'une chose superficielle, artificielle puisse devenir essentielle au point de définir l'homme ?

citation-le-desir-est-l-essence-meme-de-l-homme-c-est-a-dire-l-effort-par-lequel-l-homme-s-efforce-de-baruch-spinoza-124498

- désir et volonté :

La volonté doit être éclairée par la lumière de la raison autrement dit, la volonté est rationnelle et raisonnable.  Rationnelle dans le sens ou on peut justifier ses choix, et raisonnable parce que la volonté est toujours orientée vers la morale. En revanche, le désir est irrationnelle et déraisonnable,  il y a toujours une part sombre dans le désir, quelque chose qui nous aveugle, on ne sait pas pourquoi on désire ceci plutôt qu'autre chose. Et tout le paradoxe du désir c'est qualors qu'il provient du plus profond de notre être, au point que nous allons souvent nous identifier à nos désirs, ceux-ci nous échappent, sont en dehors de notre controle. D'où l'idée qu'il y a au plus profond de notre être, une partie sombre qu'on ignore, dont on n'est pas conscient. 

Cet obscur objet du désir - Bande-annonce

A travers ces analyses, il apparaît que le désir est fondamentalement négatif: il n'a ni la nécessité du besoin et il peut même nous empêcher de satisfaire des besoins pourtant primaires pour courir derriere de vaines chimères; en outre, il nous détourne sans raison de ce qui est bien ou juste, il nous empêche donc de suivre notre volonté. Alors pourquoi continuer à désirer?

b) Le désir comme souffrance

Schopenhauer, Pessimisme

Si l'on continue à désirer c'est parce que spontanément, on est persuadé que pour être heureux, il faut satisfaire ses désirs et on pense même que plus on les satisfait plus le bonheur est intense. Or, Schopehnauer dans le monde comme volonté ou comme représentation, va remettre en question cette idée et nous montrer, au contraire, que désirer c’est souffrir. Pourquoi ?

Parce que désirer c’est toujours ressentir un manque c’est-à-dire une privation. Or, tout être vivant est condamné à ressentir des manques et donc à souffrir.

On pourrait croire que le but de la vie c’est précisément de parvenir à combler ce manque, à être heureux. Autrement dit, il n’y a pas d’exception entre l’homme et les autres vivants. L’homme cherche à être heureux, à satisfaire ses besoins, à combler ses désirs.

Or, Schopenhauer va nous démontrer que le bonheur, défini comme la pleine satisfaction de nos désirs, n’est qu’une illusion. En effet, quand on y réfléchit bien, les désirs par définition sont insatiables. Pourquoi ?

-          Parce que les désirs sont infinis et qu’on ne parvient jamais qu’à en satisfaire au mieux que quelques uns. Il y a donc un décalage entre le nombre infini de désirs insatisfaits et le peu de désirs satisfaits. En clair, au point de vue simplement quantitatif, l’insatisfaction l’emporte.

-          A partir de là, il faut reconnaitre que nos satisfactions sont non seulement très limitées mais surtout très éphémères alors que le temps de l’insatisfaction est quasi permanent.

-          En outre, on peut comparer le désir à l’hydre de l’herne : De même que quand on coupe une tête de l’hydre, aussitôt deux autres repoussent, de même chaque fois qu’un désir est comblé, aussitôt d’autres naissent ce qui laisse la place à de nouveaux manques, à de nouvelles souffrances. Il y a littéralement un côté monstrueux du désir.

hercule-hydre2

-          Au total, Schopenhauer va prendre l’image du mendiant pour nous faire comprendre le caractère illusoire de toute satisfaction. Quand on donne une pièce à un mendiant, il est certes satisfait sur le moment mais en fait cela ne fait que prolonger sa misère. EN un mot, les hommes du fait même de leur condition sont condamnés au malheur. Et Schopenhauer va aller encore plus loins. Supposons, par impossible, qu’un homme puisse être pleinement satisfait, alors il serait encore plus malheureux car il tomberait dans l’ennui. En clair « la vie oscille comme un pendule de gauche à droite, de la souffrance à l’ennui ».

Donc, on a compris en quoi le bonheur n’est qu’une illusion. Pourtant, Schopenhauer va nuancer son propos et affirmer qu’il y a une possibilité, presque infime d’échapper au cercle vicieux de la souffrance et de l’ennui, à travers d’un côté la contemplation esthétique et de l’autre côté l’ascétisme. Le point commun entre ces deux choses c’est qu’on va échapper à la tyrannie des désirs, suspendre son vouloir vivre, comment ?

-          Dans l’art, dans la fascination devant la beauté qui fait qu’on va s’oublier:

La contemplation d'une oeuvre d'art nous permet donc d'échapper à la tyrannie du désir. Plus précisément, dans la perception ordinaire, les choses ne nous apparaissent que dans leur utilité, c'est-à-dire qu'elles n'existent pas pour elles-mêmes mais seulement par rapport à moi. Notre rapport immédiat au monde est donc à ce point accaparé par le moi qu'il en devient inattentif aux choses. Voilà pourquoi l'attention au moi recouvre le monde d'un voile. Et justement l'art est dévoilement, il nous met face à face avec la réalité même et, en nous rendant étranger à nos propres désirs, à notre propre moi, il nous permet d'échapper à la souffrance: il nous apaise.. 

-          Dans l’ascétisme, dans la privation qui fait qu’on cherche à s’élever spirituellement en renonçant à sa nature animale.

L'ascétisme, c'est cet effort que l'on fait pour s'arracher à ses désirs: il faut déchirer le voile de Maya, le voile de l'illusion, pour s'élever spirtituellement, trouver la paix intérieure. La meilleure arriver d'y accèder, c'est de retrouver la maîtrise de soi, de ne plus  rien céder à toutes les sollicitations corporelles et ainsi pouvoir développer son âme. L'ascète va donc se passer de tout ce qui est vain, toutes ces choses artificielles, superficielles dans lequelles tant d'hommes se perdent, pour retrouver l'essentiel.