rodin penseur

 L'existence a-telle un sens?

L’existence ici est synonyme de Vie. Le mot « sens », quant à lui, s’entend d’une double manière : le sens d’abord, c’est la direction comme quand on parle d’un sens interdit. Ensuite, le sens c’est la signification comme quand on parle du sens d’une question.

Donc, on n’a toujours pas répondu à notre question initiale, mais on s’est rendu compte en la questionnant, qu’elle portait en elle une autre question, elle-même porteuse d’un double questionnement : 1° : savoir si la vie a une direction 2° savoir si la vie a une signification.

 

a)

Pour la première question, la réponse est évidente : la vie a bien une direction ; on en connaît le point de départ ( = la naissance) et elle se dirige bien, de manière continue, vers un terme, vers une fin, qui est la mort.

En ce sens, imaginer une vie sans fin, imaginer la vie d’un être immortel, ce serait penser un être qui serait condamné à répéter indéfiniment les mêmes actions, un être dont la vie serait purement absurde puisqu’elle ne cesserait jamais de tourner en rond.(Cf. le mythe de Sisyphe, condamné par Zeus, à rouler éternellement un rocher jusqu’au sommet d’une pente, le rocher retombant alors chaque fois au bas de la pente). 

Donc, il est nécessaire de dire que c’est la mort qui donne sens à la vie : sans la mort, la vie n’aurait pas de sens, au sens giratoire du terme ; sans elle, en effet, on ne ferait jamais que tourner en rond.

Dès lors, plutôt que de fantasmer sur l’immortalité, il faut se réjouir d’être mortel, car l’immortalité aurait été synonyme pour nous de malheur absolu.

 

Défenseur du Temps-Monestier.VOB

b)

Donc, si c’est la mort qui donne sens à la vie, alors il faut dire que par définition, vivre c’est se mourir, et au regard de la mort que peut bien valoir une vie ? En effet, même si elle devait durer un an, dix ans, mille ans de plus, la durée de notre vie, quelle qu’elle soit, apparaît toujours comme quantité négligeable face à l’éternité qui la précède et à l’éternité qui la suit.

En d’autres termes, si c’est dans l’horizon de la mort que tout prend sens, quel peut bien être ce sens, si ce qui donne une signification à notre existence c’est qu’elle prenne fin, si le sens même du sens c’est la fin du sens : A quoi bon, alors, se signifier dans ce que l’on fait, si l’on est destiné à ne plus être ?

A cela, on pourrait répondre que cela a bien un sens de vouloir se distinguer dans la vie présente, histoire de ne pas passer pour rien. En effet, grâce à nos œuvres, qu’il s’agisse d’art, de science ou d’actes à portée politique, on se souviendra de nous dans le futur. Mais, même si notre présence aura changé le cours de l’Histoire, avec un « H » majuscule ; même si dans cent mille ans on devait encore se souvenir de mes œuvres, que seraient ces cent mille ans comparés à l’éternité où l’on m’aura oublié par la suite ? Et puis, finalement, une fois mort, que m’importe que l’on se souvienne de moi ? 

Par conséquent, mes œuvres, mes actions, ne peuvent avoir, pour moi, aucun sens puisque ce que je suis est voué irrémédiablement au néant c’est-à-dire au non-sens. N’est-il pas, dès lors, absolument insensé que de vouloir donner sens à son existence ?

 

c) L'hédonisme

Donc, si par définition, nous devons mourir, et que notre vie est toujours beaucoup trop courte, alors on n’a pas de temps à perdre, il ne faut pas attendre d’être vieux et de faire le triste constat du : « c’est trop tard » pour réaliser qu’on est passé à côté de sa vie : il faut au contraire, ici et maintenant, jouir au maximum de la vie. En effet, puisqu’on ne peut pas vivre éternellement, au moins faisons en sorte de vivre intensément : brûlons la vie par les deux bouts, cherchons à avoir un maximum de sensations, d’émotions.

En d’autres termes, comme Don Juan, il ne faut pas se poser de questions, ni s’imposer de limites, il faut vivre dans l’immédiateté, c’est-à-dire vivre dans le plaisir de l’instant. Peu importe que la femme que je croise soit jeune ou vieille, belle ou laide, mariée ou célibataire, la seule chose qui compte c’est que je la séduise pour en tirer un maximum de plaisir.

Don Giovanni Ouverture - 1987 Teatro alla Scala Muti

Dès lors, si l’on veut réussir sa vie, il faut se défaire de tous les interdits moraux et sociaux, satisfaire ses passions par tous les moyens et se dire comme Calliclès que : « la vie facile, l’intempérance, la licence (..) font le bonheur ». (Gorgias de Platon)

Mais il est étrange qu’à la question : comment donner sens à son existence ? On ait finalement répondu que c’est en se faisant plaisir, en suivant ses penchants, ses instincts, en bref, en se comportant comme un animal.

Donc, cela revient à dire en un mot que la vie la plus haute, la meilleure à laquelle pourrait aspirer un homme, c’est de vivre comme le dernier des animaux. Mais alors qu’est-ce qu’être un homme ? Autrement dit, on voit que l’on ne peut répondre à la question : «  comment donner sens à son existence ? » que si l’on se questionne, que si l’on réfléchit non sur l’existence ou sur le sens en général, mais si l’on réfléchit sur l’être qu’on est ici et maintenant. En bref, la question du sens est subordonnée à la connaissance de soi.

Et si être un homme ce n’est rien d’autre qu’être un animal, alors oui, il faut résolument « jouir sans entraves ». Mais si, comme on a commencé à l’esquisser, être un homme, c’est essentiellement chercher à se connaître soi-même, alors c’est ici et maintenant qu’il faut se mettre à philosopher.